Ce ballet qui fait rayonner la Géorgie dans le monde

Depuis 78 ans, la compagnie de danse traditionnelle Sukhishvili impose son style et fait rayonner le folklore des régions géorgiennes dans le monde. La troupe se rendra en France à partir du mois de mars pour trois représentation.

Au fond d’une allée située dans le centre-ville de Tbilissi, des femmes et des hommes pénètrent dans un petit bâtiment orné d’un drapeau ukrainien, les bras chargés tantôt par des costumes, tantôt par des sacs de sport.

A l’écart de la grande avenue passante, le hall d’entrée du ballet national Sukhishvili ressemble à un musée. Des affiches de concerts vintage en italien ou en russe se mêlent aux tenues de danses traditionnelles féminines entreposées derrière des vitres. Les danseurs de la troupe se pressent de monter les marches, direction les loges et la salle de répétition.

Depuis sa création, le ballet national géorgien a produit pas moins de 20 000 représentations sur les cinq continents. Photo : N’namou Sambu

Fondé en 1945 par Iliko Sukhishvili et Nino Ramishvili, le ballet national de Géorgie est tenu par la troisième génération de la famille Sukhisvili: Iliko Jr. et Nino, respectivement chorégraphe en chef et directrice de la compagnie. Loin du ballet classique, les Sukhishvili perpétuent l’enseignement et la diffusion des danses traditionnelles originaires des différentes régions de Géorgie. “Nous continuons de transmettre la tradition familiale et nationale au sein de la compagnie”, explique Iliko.

La compagnie se produit chaque année sur les scènes du monde entier dans ce but de transmission. Si la danse traditionnelle géorgienne reste encore peu connue du grand public français, ce dernier est toujours au rendez-vous lors des passages du ballet géorgien dans l’Héxagone. “Lorsque vous assistez à nos spectacles, vous découvrez que notre tout petit pays possède des traditions et une histoire uniques, riches et diversifiées. Tout cela fait partie de l’identité de notre nation”, se réjouit Tamar Dvali, danseuse de la troupe depuis bientôt 17 ans.

Un cocktail d’énergie et d’élégance

Lors des après-midis de répétitions, les danseurs en profitent pour ajuster leurs costumes et accessoires en vue de la prochaine tournée européenne qui débutera le 6 février prochain en Pologne. Certaines danseuses s’affairent à recoudre les détails sur leurs robes pendant que d’autres coiffent les longues perruques brunes qu’elles porteront sur scène.

Pendant ce temps, les hommes s’affairent dans la salle de répétition. Chaque élément de la pièce sert à s’étirer, de la barre de danse à la grande échelle. Pour les danses qu’ils s’apprêtent à exécuter, la condition physique doit être optimale pour éviter les blessures. Sur le sol en vinyle noir, de longs corps sveltes se déplacent avec grâce et légèreté mais aussi avec beaucoup de puissance au son des tambours géorgiens, de l’accordéon et du pandjuri (guitare traditionnelle géorgienne). Femmes et hommes exécutent avec minutie des pas de danses complexes qui varient en même temps que les accords des instruments. 

“Nous devons prendre soin de notre santé pour pratiquer ces danses, peu importe l’âge”, raconte David Chanishvili, danseur dans la troupe depuis 12 ans. Le trentenaire aux longs cheveux blonds et à la carrure musclée est tombé dans la danse à l’âge de 3 ans. “La danse traditionnelle, c’est toute ma vie. Durant toute mon enfance, il n’y avait que la danse, encore et encore”, se remémore-t-il.

Ces danseurs professionnels ont, pour la plupart, comme unique revenu ceux qu’ils amassent avec la compagnie. “Vivre de son art, c’est difficile, d’autant plus dans un aussi petit pays comme la Géorgie. Danser me permet de vivre”, raconte David, qui est également chorégraphe en complément.

Une popularité intergénérationnelle

En Géorgie, les danses folkloriques font partie du paysage artistique et quotidien dès l’enfance. Elles font notamment parties du programme scolaire de sport. En tant que première troupe professionnelle du pays, la compagnie Sukhishvili représente un idéal et une référence pour les amateurs. Son académie de danse accueille les plus jeunes à partir de l’âge de 7 ans.

“L’intérêt est fort pour ces danses car elles sont très populaires dans le pays. Chaque année, nous avons de plus en plus d’étudiants. La compagnie permet de maintenir la popularité de ces danses à travers les années”, affirme Nino Sharashidze, directrice de l’académie qui compte actuellement environ 4000 apprenants. “Les élèves viennent vraiment pour apprendre notre programme. Ils ont été séduits par les performances de Sukhishvili sur scène ou retransmis à la télévision” ajoute-t-elle.

Pendant 5 ans, ces apprentis danseurs découvrent environ une vingtaine de danses traditionnelles propres à chaque région du pays pour 100 lari par mois (environ 35 euros). “Nos danses sont très physiques. C’est bon pour la santé et pour l’humeur. Nous ne demandons pas à nos élèves amateurs d’avoir des capacités spécifiques, seulement d’apprécier la danse”, relate Nino. 

A la fin de ce cycle, ces amateurs reçoivent un diplôme et peuvent continuer ou non la pratique selon leurs désirs. Certains talents sont transférés dans la troupe professionnelle à partir de l’âge de 9 ans jusqu’à 12 ans après avoir été sélectionnés. Ce casting plus rude est mené par les professeurs qui sont des membres ou anciens membres de la troupe. “Nous choisissons, chaque année, ceux qui ont l’étoffe de devenir artiste au sein de la compagnie”, explique la directrice qui a été elle-même danseuse dans la troupe pendant 25 ans.

Il existe quatre branches de l’académie dans tout Tbilissi. La popularité est telle qu’ils prévoient d’ouvrir d’autres branches à travers le pays. La passion pour la danse traditionnelle se transmet également génération après génération. “A la maison, je suis toujours en train de danser avec mes deux filles. La plus âgée prend des cours également au sein de l’académie Sukhishvili”, raconte Tamar Dvali, qui jongle entre son métier et son rôle de mère.

Pour la trentenaire, qui possède également un doctorat en histoire de l’art, cette notion de préservation de l’art est primordiale. L’amour qu’elle a pour les danses géorgiennes est partagé par toute une nation. “Notre compagnie essaie tous les jours de moderniser et de faire quelque chose de neuf, sans oublier nos anciennes traditions”, explique David.

“Je pense que nos danses sont parmi les plus vieilles au monde, certaines datent même de la période pré-christianisme. Nous pratiquons des danses millénaires que nous tâchons de moderniser dans des shows spectaculaires”, conclut le jeune homme.

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