Né en Champagne, Bastien Warskotte a démarré fin 2016 son activité près de la capitale Tbilissi. L’engouement pour son vin naturel ne faiblit pas à l’international mais la guerre en Ukraine fragilise son activité.
“Sans Nino, je n’aurais jamais fait ça ”. À 35 ans, Bastien Warskotte ne regrette pas un instant de s’être établi en Géorgie. Là, à Igoéti, dans la région de Chida Khartlie, à une heure de route de Tbilissi, le couple a racheté fin 2016 une vieille ferme à 600 mètres d’altitude. Bastien s’occupe de la vinification tandis que sa femme Nino gère l’aspect administratif du vignoble.
Bastien Warskotte est issu d’une famille de propriétaires fonciers en Champagne. Le raisin qui pousse sur les terres familiales sert à produire le célèbre vin pétillant. Titulaire d’un master en œnologie obtenu en Bourgogne puis employé dans une société au Canada, lui-même ne cultive pas ses vignes géorgienne mais achète directement le raisin avant de le vinifier dans la cave de son vignoble. “Être vigneron, c’est un métier à plein temps. Il faut être constamment sur ses terres ”, juge-t-il.

Le mix de deux cultures
Au total, le Français achète une dizaine de cépages auprès des vignerons géorgiens, majoritairement dans la région d’Imérétie à l’ouest du pays d’où est originaire sa femme. Ori Marani signifie “Deux Caves” en géorgien, en écho à la méthode hybride de vinification que le couple pratique. Bastien fait fermenter la majorité du raisin qu’il achète, à la façon champenoise traditionnelle dans des barriques qu’il fait venir depuis la France.
Mais un cinquième de sa production est également issu des qvevri, ces jarres traditionnelles géorgiennes en terre cuite enfouies dans le sol. “Je n’aime pas vraiment le goût terreux et herbacé que donnent les Qvevri, alors je mélange leur contenant à celui des barriques pour composer mes vins ”, explique Bastien. Il a appris cette technique de la qvevri en posant ses valises en Géorgie. Une fois pressé, le raisin est placé dans la qvevri où il fermente durant cinq à six mois avec ses peaux, contre deux à trois semaines seulement en barriques.

Un marché en pleine expansion
Lorsqu’il a commencé en 2017, la première cuvée de Bastien se chiffrait à 5.000 bouteilles. Cinq ans plus tard, il en produit 17.000 et vise les 20.000 en 2023. “ Il y a plus de demande que d’offre ”, se réjouit Bastien. En Géorgie, ils sont seulement deux Français à produire du vin artisanal. Son concurrent est basé en Kakhétie, la région viticole historique de la Géorgie où l’on cultive du vin depuis 8000 ans et d’où provient 80% de la production actuelle. Bastien a préféré s’éloigner de cette zone déjà très concurrentielle pour goûter au climat plus doux de la Chida Khartlie.
Bastien transforme 40% de ses raisins en vin mousseux, dont la moitié en “petnat”, comprenez le pétillant naturel. Depuis la fin des années 1990, le vin naturel a la cote en Occident. “ Quand je suis arrivé en Géorgie, ça a été assez facile de trouver des clients à l’étranger ”.
Grâce à son réseau d’importateurs, Bastien exporte 13% de sa production au Canada, et environ 10% respectivement en France et aux Etats-Unis, le marché le plus porteur. “Je vends 1900 bouteilles par an aux Etats-Unis mais je pourrai atteindre facilement les 4000 unités ”, estime Bastien, qui commercialise également son vin en Allemagne, en Suède et même en Chine.

Nouvelles opportunités et inquiétudes de la guerre en Ukraine
Le 24 février dernier, la guerre en Ukraine est subitement venue mettre à mal la stabilité du modèle économique d’Ori Marani. Le cours du lari, la devise géorgienne, s’effondre. Bastien, qui détenait beaucoup de liquidités en euros et en dollars, perd l’équivalent de 10.000 laris, soit environ 3500 euros. Surtout, la totalité de ses coûts de production augmente. “Tout a pris 30%”, déplore-t-il. “Selon les cépages, le kilo de raisin est passé de 2 à 3 laris, le prix des bouchons qui viennent de France ont augmenté de 30% à cause de la hausse du coût de l’électricité “, lâche-t-il amèrement. Même les bouteilles fabriquées en Russie lui reviennent à 33 centimes contre 25 auparavant.
Les Russes, justement, ont afflué en masse depuis le début du conflit. Bastien ne leur a jamais vendu son vin. Pas par conviction politique mais plutôt par pragmatisme: “Je n’en ai jamais eu besoin, j’écoule sans problème 95% de mon stock à l’étranger mais 2-3 bars à vin de Tbilissi me prennent des bouteilles de temps en temps. Ce sont surtout des Russes qui les consomment“, détaille le négociant. Avec Nino, il organise beaucoup plus de dégustations au vignoble, exclusivement pour des Russes.
A 8 kilomètres de l’Ossétie du Sud, Ori Marani vit à proximité de ce territoire occupé par la Russie depuis 2008. Dans l’esprit de Bastien, la menace n’est jamais bien loin: “Quand on vit en Géorgie on est obligés d’y penser. Tant que la guerre n’éclate pas, je suis heureux ici “.
Photos : Antoine Bouchet
Il est distribué où à Tbilissi? Toujours pas eu la chance de le goûter 🙁
Au Dadi Wine Bar, 4 rue Shalva Dadiani vers la Place de la Liberté !